Qu’est-ce que le projet Kesho ?
Kesho, en swahili, signifie demain mais aussi hier. L’idée est de créer un espace de rencontre interdisciplinaire autour de questions vitales : la préservation de l’environnement et donc par conséquent de l’espèce humaine qui en fait partie. Il s’agit de mettre en regard des pratiques écologiques de citoyens de Sevran et de Kigali, en ouvrant la réflexion entre les artistes, chercheurs, scientifiques et habitants des deux pays. De ce partage, découlent plusieurs spectacles et créations, présentés sur les deux territoires. Kesho, c’est comme si on se donnait la main entre Kigalois et Sevranais. D’un bout à l’autre de la terre, on essaye d’œuvrer dans le même sens.
« Ce que je trouve intéressant avec ce projet, c’est que les artistes n’arrivent pas à la fin de la réflexion pour la restituer mais y participent. L’idée, c’est de se demander ce qu’on peut faire à notre échelle. Comment faire en sorte que toutes ces questions ne soient pas uniquement réservées aux spécialistes. C’est vraiment redonner à chacun confiance en ses capacités à réfléchir à des solutions. »
Carole Karemera, directrice de Ishyo Arts Centre
« C’est exactement la légende du colibri de Pierre Rabhi. Si chacun fait sa part, on peut essayer d’éteindre le feu. Il y a des pratiques d’écologie citoyenne formidables à Sevran ou à Kigali qui ne sont pas mises en évidence, on veut les confronter à des problématiques scientifiques et les sublimer par la question artistique. »
Valérie Suner, directrice de La Poudrerie
Kesho - Le Monde d'après (2020-2023)
La Poudrerie et Ishyo Arts Centre mènent des projets communs depuis 2015, et bien que situés à des milliers de kilomètres, sur des continents différents, les habitants de ces deux villes ont de nombreuses choses à partager. Distance ne signifie pas opposé. Les villes de Sevran et Kigali ont un point commun : ce sont deux villes en pleine transformation urbaine et qui ont la volonté de devenir des villes plus vertes.
À travers le projet Kesho, même si nous sommes à 10 000 kilomètres les uns des autres, nous avons souhaité partager nos préoccupations communes et nous enrichir mutuellement. Comment intégrer les questions environnementales dans des villes en pleine mutation ? Quelle place ont les artistes, et les habitant·es des villes dans cette réflexion ? Quels outils et pratiques pouvons-nous partager ?
Pendant 3 années, nous avons tâché de nous atteler à ces questions, et y apporter des éléments de réponses à travers des créations, des ateliers, des rencontres…
Kesho - Ecologie sociale et interdépendances (2023-2026)
Au cours des travaux menés lors de la 1ère phase du projet Kesho sur nos deux territoires, les créations artistiques, les ateliers, les rencontres avec des experts rwandais, français ou d’ailleurs, scientifiques, philosophes, sociologues, habitants de Kigali et de Sevran, il nous est apparu évident au terme de ces trois années, que l’écologie environnementale ne pouvait pas se détacher de l’écologie sociale. Il faut penser à retisser nos liens pour habiter la terre autrement, à renouer – ce que nomme le philosophe Dr Isaïe Nzeyimana – « isano », la parenté entre la matière et l’esprit, le minéral et le végétal, l’organique, le psychologique et le social.
David Diop, dans ses réflexions sur la rhétorique du lien en littérature, nous invite à retisser notre humanité dans une certaine réciprocité avec la nature. En tant que spécialiste du 18ème siècle, il rappelait les écrits du botaniste et naturaliste, Michel Adanson qui a décrit dans un de ses carnets de voyage en Afrique, des traditions et des savoirs traditionnels de partage avec la nature comme étant «sous avancés» ou «non développés» car n’étant pas dans une logique de profit pour l’humain. La tradition étant de partager le fruit de la pèche avec les animaux sauvages « Il faut que tout le monde vive » lui avait-on dit. Ce qui était décrié et pris comme «arriéré» par l’administration coloniale et les intellectuels du 18ème siècle est à interroger. Il est nécessaire aujourd’hui de réhabiliter certaines pratiques et savoirs traditionnels pour mieux comprendre les enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui.
Comment vivre dans la pluralité des mondes qui cohabitent sur la même planète ? Nous voulons continuer à mettre au travail l’art pour construire une nouvelle société. Nous développons une méthodologie pour développer un art agissant pour l’accompagnement des transformations sociales. Réfléchir à construire, comme nous l’a suggéré le philosophe des sciences Bruno Latour et comme nous en avons commencé à ressentir l’existence dans nos travaux, une nouvelle classe géo-sociale. Nous voulons œuvrer pour ré-inventer des nouveaux liens, des liens de soin, ré-enchanter la vie pour participer à redonner du pouvoir d’agir.
Kesho, ça s’organise comment ?
Jusqu’en 2026, nous proposons de continuer à rencontrer des habitants de tous les quartiers de Kigali et de Sevran pour qu’ils nous décrivent leurs terrains de vie, des chercheurs, des intellectuels des artistes de nos deux pays pour créer à partir de nos enquêtes.
Trois nouvelles créations participatives sont prévues, deux qui pourront tourner dans les appartements de Sevran et Kigali, et un grand opéra citoyen, mêlant artistes du Rwanda et de France, qui sera présenté dans les deux pays.
Nous continueront d’organiser des temps de rencontres et d’échanges pour réfléchir ensemble à nos pratiques, à nos sociétés, et nous documenteront nos différents processus créatifs afin de tisser une grand communauté et un groupe de recherche.